Jean HOSPITAL


  • Né le 23/08/1939 à Paris 13 (boulevard de l’hôpital)
  • Taille / Poids quand tu étais joueur 1,78 M—85 kilos perdus-105 kilos selon l’humeur du marché
  • Postes joués : 3ième ligne, puis pilier droit
  • Profession : Retraité.




– Quel est ton parcours sportif dans ta jeunesse et comment découvres tu le rugby ?
Ce fut une jeunesse sportive, je faisais du foot au Stade Français le  dimanche et du hand avec le Lycée.Je suis venu au rugby sur le tard, notamment grace à Gérard Dufau, demi de mêlée international et prof de gym, il m’enseigna les fondamentaux. Mais c’est surtout les exploits de l’Equipe de France de Lucien Mias et Jean Prat qui m’éveillent vers ce sport et le livre « Le grand combat duXV de France » de Denis Lalanne qui fut le déclencheur. Je jouais souvent à Pershing dans des équipes composées sur place, jouer en club ne m’intéressait pas. A cette époque le rugby universitaire était prenant d’autant plus que l’équipe de Sciences-Po était originale, singulière où l’amitié prônait, et avec l’ami Dominique Tardi on ne se quitta plus, on se connaissait tous. Le quartier Latin était vraiment le rassemblement de tous les étudiants avec ses facultés, ses grandes écoles, ses cafés et déjà la crèmerie restaurant Polydor, haut lieu de la gent sportive et universitaire, Mme Bony, la patronne, connaissait tous les étudiants et les chansons…… Ensuite les salles étaient occupées le Dimanche soir par le PUC et le SCUF, et le répertoire pouvait démarrer, la chorale scufiste était forte avec Absil, Tixador, Cuéry, Thiéffine ….et plus tard Wlad, Jaffré, Banzet , Attal…..c’était interminable et ensuite on pouvait commençer notre safari nocturne sur la rive gauche et »une petite dernière au HARRY’S ……. La nuit est jeune comme aimait à répéter le grand Bruno MN…… Jouer au rugby c’est aimer la vie , ce que ne comprennent pas nos » fédérastes et comitards… »….aujourd’hui.

– Ton frère Michel a suivi ta trace ou chacun a évolué dans son univers ?

Mon frère commença au PUC et fut titulaire juniors Reichel, je le suivis toute la saison et fit connaissance avec les pucistes, l’entrainement et Charléty,. Il joua avec la grande équipe du Droit de Wlad et vint au S.C.U.F et y resta. Il forma la fameuse équipe 3, équipe de copains qui réussit à réunir 25 garçons qui ne voulaient jouer qu’ensemble et fut le ferment de la révolte. La « 3 » s’organisa de belle façon, autonomie financière, réjouissances chez Paul, rue d’Enghien, les rendez-vous à l’Alsace, place St André des Arts, et surtout une fréquentation assidue du Harry’s. Nous nous liâmes d’amitié avec le British RFC.et un match annuel avait lieu, la coupe Martin-Mac Elhone, le boss du Harry’s avec cocktail, nous nous fîmes des amis à vie : J.Sangster, Bill Matheson, Brendan MacKay , John Davidson….etc . Et le British fut toujours associé aux évènements scufistes, ils répondirent toujours présents. Pour ce match, Michel Hospital était le sélectionneur unique et choisissait uniquement sur invitation, lui seul disputa les 3o u 4 rencontres. Cette équipe était devenue un état dans l’état. Pour la petite histoire je ne fus jamais choisi, pas de népotisme….. je fis la touche…. Il est dommage que le Scuf ne poursuive pas ces relations actuellement….. d’autant plus qu’ils vont fêter leur centenaire. « Un frère aidé de son frère est comme une ville forte ».( L’Aigle de Meaux)

– Comment te retrouves tu a évoluer au SCUF, en quelle année ?
Je suis venu au S.C.U.F emmené par mon ami de Sciences-Po Jean-Philippe Billarant, en 1960. Nous fumes accueillis par Mme Machon, au siège à Chazelles, et le Dimanche matin à l’école de rugby à Carpentier. De là , Loulou Martin nous indiqua Pershing où la réserve jouait et ce fut Bernard Jodelet qui nous réceptionna. Puis ensuite nous étions listés et nous pûmes jouer un ou deux matchs car c’était en fin de saison. Puis nous tombâmes sous le charme du Docteur Martin, et la séduction de Ph .Absil. J’avais trouvé un vrai club…. Et la saison 1960-1961 pouvait démarrer. Je jouais aussi en universitaire chaque jeudi. …… Ce furent de belles années tant en universitaire qu’au S.C.U.F. Je découvris une ambiance qui prolongeait l’esprit universitaire, ce club était curieux et je n’étais pas au bout de mes surprises pour mon plus grand bonheur… Grace au Docteur Jean Martin, le S.C.U.F était un club privilégié , nous avions presque chaque année un déplacement Outre-Manche. Ainsi nous fîmes connaissance avec Murrayfield, Landsowne Road, l’Arms Park, Twichenham, nous jouions le matin contre une équipe locale et l’après-midi le match international, et assistions aux réceptions de l’équipe de France, certaines fois nous logions dans le même hotel comme l’Intercontinental à Dublin.
Des voyages inoubliables, et on était un des rares clubs à voyager et à visiter. Le docteur Martin, docteur de l’équipe de France, était un personnage bien connu et estimé des internationaux français et étrangers, il avait le S.C.U.F chevillé au corps, il nous transmettra sa passion pour le club, un certain esprit du sport et une admiration pour le sportif anglo-saxon. Je suis resté très attaché au docteur, et j’éprouvais pour lui une profonde affection et un attachement indéfectible, jusqu’à sa disparition en 1984. Lourde perte pour le Club et pour chacun…… Mais pour le côté sportif, un autre grand personnage Philippe Absil, joueur, capitaine, entraineur, animateur, un redoutable meneur d’hommes, séducteur envers les uns et capable de susciter l’antipathie chez les autres mais maitre incontesté des seniors pour la période 1960-1965. Ce fut une période brillante, la fête était de rigueur et Philippe était un amateur du jeu, du jeu d’attaque, il pouvait jouer à toutes les places derrière mais préférait le poste de 3ème ligne aile, il aimait la victoire et sa passion était contagieuse. C’était l’époque des Boniface qui privilégiaient le jeu pour le jeu, le jeu pour l’attaque, ces valeurs que les Boni plaçaient au dessus de tout. Et pourtant les conditions n’étaient pas exceptionnelles : entrainement sur le stade de foot, terrain en mâchefer, avenue de Suffren, le dimanche porte de Choisy avec vestiaires en bois et ses douches intermittentes quand ce n’étaient pas les abreuvoirs à l’extérieur, à l’eau froide, mais on était transporté par l’état d’esprit incarné par ce duo Dr Martin-Ph Absil. Les déplacements tous les 15 jours, donnaient l’occasion de connaître les clubs de province, certains clubs devenaient des lieux privilégiés et une forte estime s’instaurait : le SLUC à Nancy, Pontarlier, Metz-Homécourt, Beaune …….En cette première partie,(1961-1967) j’étais un des plus jeunes, puis dans la seconde partie (1967-1972) je devins un des plus vieux mais avec une nouvelle équipe de jeunes. Les déplacements en train procédaient du même rituel avec le grand panier en osier contenant assiettes, couverts, verres et le roti de porc macédoine, fromage, fruits , tout cela préparé par Mme Martin, et la bonbonne de » jaja »(vin).On déjeunait dans le train. Le docteur nous accompagnait, il n’assistait qu’à deux sortes de match: le S.C.U.F, et l’équipe de France. Il y avait un joueur talentueux et facétieux, Claude Richard, ses affaires de rugby logeaient dans un étui à violons et en plus il ne pouvait se passer de pétards, boules puantes, et dans les voyages il oeuvrait fortement et ne cessait jamais ses numéros, autant dire que nos wagons étaient surveillés.

– Tu joues en Equipe première durant les années 60′, et le SCUF de cette époque se fait une spécialité de râter régulièrement la montée en 2ème division à la dernière marche. Souvenir ?

Nous étions qualifiés chaque année, au complet nous étions une très bonne équipe, nous voulions faire du jeu. Mais les compositions d’équipes étaient changeantes, nous avions des absences dues au service militaire (eh oui….!,) , aux examens ….. Et quelquefois des innovations surprenantes de la part de Ph Absil. Ainsi j’ai joué un seizième avec que des 3 /4 ailes derrière, nous perdîmes ce match alors qu’on avait dominé toute la saison… Mais c’était une constante on jouait l’attaque alors que les autres jouaient la victoire à tout prix, le panache avant tout , c’était le S.C.U.F…. En plus le docteur et Absil n’étaient pas des fanatiques de la montée. Le grand match de la saison étant la Rose Cup face à Stratford, et là c’était la grande équipe…… On découvrait avec gourmandise le calendrier, soit une poule de l’Est, soit la Bourgogne avec un ou autres clubs parisiens St-Denis, Stade Français, Compiègne,Vincennes…….. Les déplacements en train faisaient le bonheur de tous, et aucune pression à part la brune ou la blonde…. Nous avions les moyens pour jouer en 2ième division, car des joueurs de talent existaient au club et suscitaient la convoitise des grands : F.Grimaldi, Y.Demarais, Y Thieffine, D.Bozza, J-P Tixador et le duo Lambert J-Jacques et Christian, les successeurs des Boniface dixit le Docteur Martin…..

– Peux tu replonger dans ton rugby et nous compter ce que les générations d’aujourd’hui ne peuvent appréhender de ce jeu d’il y a 50 ans ?

Dans les années 60, les clubs à Paris étaient peu nombreux mais solidement implantés. D’autre part le rugby était notre loisir, et notre passion, la saison démarrait en septembre et se finissait fin avril, nous étions tous concernés des nationaux aux régionaux, le tournoi des 5 nations était un grand événement, la province montait à Paris, c’était « samedi 15 h à Colombes, le stade était comble. Les plumes de l’Equipe étaient sans pitié, mais quels talents, des écrivains journalistes : Henri Garcia, Robert Roy, Kléber Haedens, Jean Cormier , les Frères Vierne, Jean-Jacques et Antoine , Jean-Jacques Simmler , Jean- Pierre Lacour et Denis Lalanne. Nous étions nourris de leurs écrits, la plupart devinrent des grands amis et nous témoignèrent toujours leur appui. L’Ovalie était une famille. C’était le temps où le rugby entrait tout uniment dans nos vies, comme l’eau va à la mer, comme une chanson vient aux lèvres et il n’avait nul besoin pour cela de campagnes de marketing et de détection. Octobre revenu, c’était un peu la même cloche qui rappelait les enfants à l’école, les étudiants à l’Université et les hommes au stade municipal. Au début Mai, la réunion à Behoust chez le Docteur ou à La Varenne chez Ph Absil, joyeuses et bacchiques fêtes. La saison reprenait fin aout avec la revue d’effectifs à la Faisanderie chez nos amis du Stade Français et accueillis par le président Serge Saulnier d’un commerce brutal et d’une passion entière, haut personnage fédéral et futur président du CIFR. Nous pouvions rêver à notre future saison dans ce cadre enchanteur ……. Serge Saulnier et le Docteur Martin s’appréciaient et étaient complices au sein de la FFR, rejoints par Mrs Roger Lerou, et Roger Danet présidents du RCF. Il existait une certaine noblesse dans les relations entre clubs parisiens, et ils entretenaient un code d’honneur entre eux. Avec le PUC, nous fûmes toujours très proches et alliés sur bien des points, et ils le restèrent, de grands dirigeants Mrs Delaud, Rogé, Bousquet et puis les présidents, Haget, G.Krotoff, R. Blachon, Y. Le Doré…… qui furent impeccables lors de la crise scufiste.
Arbitres badins ou vétilleux, mineurs gallois, fermiers neo-zélandais, diplômés d’Oxford et de Cambridge ou joyeux et talentueux drilles du PUC, c’étaient les personnages de notre rugby d’autrefois, ils ont évidemment disparu du paysage professionnel. En cinquante ans on est passé du bout de ficelle à la puce électronique, d’une équipe sans entraineur, souvent le capitaine faisait office à une équipe de laboratoire. Mais il n’est pas sûr que le progrès en se mettant à la portée de tous, ait beaucoup souscrit à la gloire d’un jeu fort jaloux de sa »différence ».

En 1967, le SCUF connaît sa plus grande crise avec la scission créée par Philippe Absil. Peux tu nous remettre au goût du jour cette révolution qui va forger ce qu’est le SCUF d’aujourd’hui ?

Ce furent les heures sombres du Club, une grave crise où l’argent était absent …., tous les clubs furent stupéfaits.!!! Mais quelle résurrection …! L’attelage si envié par nos voisins avait versé et provoquait un séisme, nous précédions les événements de Mai 68 d’une année par la mise en place d’une auto-gestion. Le PUC nous suivra une année plus tard. Que s’est-il passé ? Des divergences étaient apparues lors du déplacement à Stratford en 1965 et elles allèrent s’amplifier fortement, nous avions les deux faces d’une même pièce, Dr Jekyll -Mr Hyde. L’atmosphère s’envenimait, et les joueurs se séparèrent en 2 camps. Les pro-Absil et l’équipe 3 Michel Hospital, on ne se fréquentait plus. La situation devint très sérieuse pour la saison 1966-1967, l’équipe 3 Hospital fait secession et ne paricipe plus à la vie du club, et sera absente lors de la venue de Stratford. La rupture a lieu, 27 joueurs quittent le club avec Absil. On s’installe à la tête de la section rugby, et on propulse le Docteur Martin à la présidence de l’omnisports. On s’était tous préparé à ses responsabilités. En premier lieu, un président : Bernard Jodelet (28 ans), scufiste, fait l’unanimité tant pour ses qualités morales que son passé de joueur — Y Planchon, J-J Lambert aux finances, , Jean Hospital secrétariat et capitaine. La responsabilité sportive à René Cugnenc, Robert Piron, J-L Thirobois et exclusivement à eux. On s’amusait mais ça ne plaisantait pas car nous avions des buts à atteindre  — Maintien en 3ième division — Maillot à toutes les équipes – Organisation de 3 bals à Chazelles – continuité des relations avec Stratford — Avis favorable à tous les partants (27), mais deux grands principes — Le président sera toujours un scufiste, un des nôtres… – équilibre financier obligatoire, toujours en vigueur actuellement. Il est réconfortant de constater que nous sommes un club dans toute sa pureté, certains Dimanche nous alignons 18équipes des petits aux seniors masculins et féminimes. Et nous sommes indépendants financièrement …… Beau vieillard de 125 ans bientôt ….!
La plupart des partants suivront Ph Absil à la VGA Saint -Maur mais la greffe ne prit pas, certains revinrent et furent bien accueillis. François Grimaldi ira au PUC, Yves Demarais au RCF, Yves Thieffine à Mérignac, les 3 jouant en Nationale, c’est dire la richesse du S.C.UF….

Petit bémol, Absil tenta une OPA sur Stratford mais cela échoua. Tony Bird opposa une fin de non recevoir en dépit d’une amitié avec Philippe.

– Pour cette saison 1967/68, tu endosses le brassard de capitaine. Une saison de doute, mais l’équipe s’appuie sur des joueurs qui resteront dans l’histoire du club : Pierre Lidon, Hospital Michel, Yvan Planchon, Patrick Dufournier, Lucien Attal, JJ Christian Lambert, Daniel Sampermans, Massé, Claude Jodelet, Wlad Hagondokoff, Philippe Louis-Dreyfus… Souvenir ?

Ce fut une belle saison, une très belle saison qui scella une amitié sans faille entre nous, nous étions très unis et nous le restâmes toute notre vie. Notre lien avec le Club était viscéral, nous ne nous quittions pas et chacun était mobilisé tant sur le terrain que dans l’organisation. Je me souviens très bien du premier match, c’était à Carpentier contre Le Havre, affluence nombreuse on était venu voir tomber le S.C.U.F « Delenda est CARTHAGO », au contraire nous battîmes le HAC 14-0. Nous avions durci le pack avec R. Boussagol et Y. Planchon, ce fut d’ailleurs son dernier match, son dos le faisait trop souffrir, et nous les reçûmes à Chazelles très chaudement, une belle soirée. Dès ce match je savais qu’on ne pouvait descendre, la fureur de vaincre était contagieuse et tous étaient concernés, d’ailleurs les repas fortement conseillés après entrainement et match, nous étions toujours plus de 30 convives, et de vignobles personnages. Jamais une génération ne fut aussi solidaire, chacun étant joueur, dirigeant et prêt à assumer sa tâche, toujours volontaire. D’autre part, elle a fourni au club des présidents, des trésoriers, des entraineurs et a transmis les valeurs scufistes à toutes les futures générations. Tout naturellement le Droit de Wlad Hagondokoff, et les Sciences de Pierre Bouteilly vinrent se couler dans le moule scufiste et lui assurèrent l’avenir. Que de générosité, de vaillance, d’altruisme et surtout une amitié éternelle entre tous, nous ne nous quittons uniquement par l’envol définitif de certains vers le étoiles et là nous souffrons car nous étions amoureux de l’Amitié.
Nous avions aussi un bel avenir avec l’équipe juniors de Ch .Pouliquen

– Une fois la transition assurée c’est là que tu raccroches les crampons ? En dehors de ta fonction de vice-président du SCUF que deviens tu lors des années 70′ / 80′ ?

Les règles de fonctionnement étant bien inscrites dans les esprits, avec des présidents exemplaires B.Jodelet, Y.Planchon le navire S.C.U.F pouvait à nouveau naviguer sans crainte, sans lucre en faisant régner un climat d’égalité, de fraternité, d’insurrection contre la routine en faisant non seulement un club mais un évènement. Pour prendre des responsabilités au Club, il faut pouvoir les assumer pleinement et pour la saison de Septembre à Mai, et se donner à fond. Des jeunes prirent des postes de secrétaire, de trésorier tels D.Petat, F. Tunc…. il ne faut pas oublier qu’ils étaient joueurs le dimanche ,d’autre part P .Lidon, J-L Thirobois puis Ch Pouliquen entrainèrent sans compter leur temps et bénévolement, des exemples pour tous à méditer, cette organisation engendrait une forte dynamique. Je restais au côté du Dr Martin au C.A du S.C.U.F, en même temps j’entretenais les relations avec Stratford en liaison avec Bob Cross et John Pawley. En 1977 j’organisais un match d’Anciens contre Stratford à Peacecroft pour le centenaire de Stratford R.F.C, magnifique déplacement et grandes réjouissances, tout était relancé car avec nos amis anglais rien n’est acquis, leçon à retenir pour les jeunes générations……. Puis ensuite éloignement à Aix en Provence et retour à Paris en 1995 et le scufisme ressurgit, sa transmission est un impératif pour chaque ancien .

– Je ne sais pas si tu as réussi à tenir à jour le nombre de Rose Cup auxquelles tu as participé, mais peux tu nous dire un mot sur ce match si particulier au SCUF ?

J’ai disputé quelques matchs, le recordman étant Wlad Hagondokoff avec 13 matchs, de même que Tony Bird, ces deux garçons ont contribué grandement à la continuité de la Rose Cup. Si d’emblée j’ai craqué pour Stratford, Pearcecroft et la Rose Cup, ce n’est point par affectation mais plutôt pour le rugby et son esprit que l’on jouait sur les terrains de ces clubs anglais. J’ai tout de suite admiré le savoir-vivre des club-houses. Et puis la métamorphose, sitôt le ballon en jeu, de ces jeunes gens si insignifiants à la ville et soudain changés en tigres prêts à mourir simplement pour leur maillot, devant un public absorbant les pintes et clamant jusqu’au coup de sifflet final leur fierté de Stratfornians et leur jovialité de vieux gamins. A Stratford c’est le club qui est accueilli avec toute son histoire, chacun s’affaire pour nous rendre le séjour agréable et familial, être reçu dans la famille permet de mieux comprendre et d’apprécier la sympathie qui se dégage, on accueille un parent venu de France avec chaleur. Certaines années les festivités sont exceptionnelles, d’autres plus moyennes, cela dépend souvent de l’intensité des relations entre les deux clubs. Pour le joueur le terrain de Pearcecroft reste une révélation : le ground, sa tribune, son club -house, ses vestiaires à l’odeur typique, tout concourt à l’accomplissement du jeu. Ces installations m’ont toujours laissé rêveur et mesurer combien nous sommes décalés à Paris, avec la médiocrité de nos stades. Mais le match, c’est autre chose, ici on joue au football-rugby et la confrontation est dure, rugueuse , j’ai connu des matchs très disputés, très brutaux, le cadeau n’existe pas et « il faut mieux donner que recevoir »… Mais l’estime réciproque est acquise et reste entre les joueurs quand le combat est plein et permet d’entretenir une relation forte entre les deux clubs et de la poursuivre après, il serait bon que le S.C.U.F actuel en prenne conscience .

– Depuis une dizaine d’année tu participes à la rédaction du SCUF Mag’ avec un édito qui bien souvent dézingue le CIFR et prône le jeu ouvert d’évitement. C’est le fait de jouer pilier qui t’a amené à penser que le contact n’était pas l’issue ?

Le rugby est un jeu qui se joue debout, et chacun savait manier un ballon. En outre c’est un jeu collectif où le plaisir d’offrir est supérieur à celui de courir, ne disait-on pas « que l’aventure commence à l’aile ». Il est plus intelligent d’effectuer des demi-tours contact avec les avants que de se lancer bêtement dans des rucks souvent improductifs. Il est vrai que nous étions influencés par Lucien Mias, « docteur pack » pour les avants et les Boniface derrière, puis Jo Maso, J.Trillo…… qui étaient des maitres à jouer. Le rugby se prête à toutes les statégies, selon que l’accent est mis sur l’action de masse de l’infanterie, des avants ou sur les coups d’éclat de la cavalerie -demis, trois -quarts et arrières- les équipes modèlent ce qu’on doit appeler leur style de jeu. Ne pas le comprendre, c’est aboutir au nihilisme actuel où les entraineurs, pseudo-techniciens, déversent des logiciels qu’ils ne comprennent pas, d’où l’uniformité du moment qui donnent des équipes au jeu triste et contraint. Aujourd’hui lorsqu’une passe est difficile à faire, on ne l’a fait pas et le tour est joué. Ballon sous le ventre, on se roule par terre et on fait un ruck. Triste évolution due à un règlement du jeu répressif à tout va, aux défenses qui vont plus vite, peut-être mais c’est avant tout un problème de virtuosité : il est impératif de passer le ballon dans le moindre temps imparti, et cela ne se travaille pas en salle de muscu, ou en atelier et autre video. ……. Et on apprend ça sur le terrain en répétant les gammes, et encore les gammes, sur ce plan Ph Absil était intraitable, « passe à terre « était honni……..!!! Aujourd’hui c’est plutôt passe , impair et manque. Quand les joueurs, et surtout leurs dirigeants, se convaincront-ils que c’est en jouant le jeu qu’ils se jouent le mieux des autres ?

– Du côté de l’école de rugby j’imagine que tu ne peux que te satisfaire de ce que le SCUF prône depuis 100 ans avec André Theuriet, en passant par ton frère Michel dans les années 80′, et avec tes neveux Max et Jerome aujourd’hui ?

L ‘école de rugby du S.C.U.F est une belle réussite et un bel exemple. On éduque les jeunes pousses, on leur apprend que le rugby scufiste est un jeu qui »chante » mieux ou rit plus gaiement ou fleurit plus librement ajustant leurs gestes dans un ton, sur un rythme qui les soudent et les font fructifier en commun. Oui , je suis très fier de mes neveux Jérome et Maxime qui depuis une dizaine d’années s’occupent, éduquent des petits scufistes chaque Dimanche matin, et le samedi pour les tournois, plus en fin de saison les déplacements faisant connaître le maillot scufiste sur les terrains de France. Comme Thomas Schwartz, Eric Negre, l’exemplaire Jacques Epelbaum ….etc , ils distillent le geste, l’histoire et surtout ils font aimer le jeu dans toute sa pureté, des bénévoles sans lesquels rien de grand ne peut-être fait, à l’âme aussi trempée que les bâtisseurs de cathédrale. .. Ils sont fidèles au principe de Sir Wavell Wakefield: « Lorsque l’on raccroche ses crampons, il faut rendre à son sport et à son club ce qu’ils vous ont apporté » , et si le S.C.U.F. vit toujours malgré les turbulences inéluctables que rencontre toute vie associative c’est parce que ce principe a été respecté, et que des garçons s’y consacrent……. depuis André Theuriet, puis Michel Hospital, Jean-Louis Igarza, Jean-Pierre Petitet , ils ont tous compris que « Fruits et racines ont même commune mesure qui est l’arbre », c’est à dire le SCUF. Il est assez curieux de constater que la base s’élargit avec tous ces jeunes et que le sommet seniors se réduit.

– Le SCUF n’a jamais eu de stade, et quand le club a réussi à se doter de merveilleuses structures comme la Piscine Chazelles, le Brennus ou le GulfStream, ça a toujours fini en fiasco… Une malédiction noir&blanc ?

La grande aventure fut incontestablement Chazelles, un siège social avec salles d’escrime, de judo, de gym et la piscine. Un secrétariat avec l’accueil de Mme Machon, plus scufiste que tous. L’idée du Docteur était futuriste et géniale. Nous avons vécu des moments inoubliables, soirées dansantes, mariages, banquets , réceptions. Rencontres, recrutements, adhésions tout se passait à Chazelles et nombreux furent les joueurs recrutés, nous étions enviés par notre siège et les bals du S.C.U.F étaient renommés et recherchés, le record fut 618 entées payantes, autant dire que la trésorerie était bonne et nous assurait largement notre vie sportive. Malheureusement le décès du propriétaire, une succession difficile, un manque d’argent, un contentieux et nous fûmes expulsés, difficiles années. Le rêve brisé…, tout autre club aurait péri mais le scufisme est revigorant, et des dirigeants de grande qualité sauvèrent le club .
Pour le Brennus c’est une idée de Bernard Gervais qui fut une réussite, du bar en actions. Le Gulf Stream, c’est l’initiative de Daniel Bourrel qui procura au Club de belles soirées. Malheureusement elles se terminèrent toutes douloureusement car il est difficile de concilier une activité commerciale et de participer à la vie d’une association turbulente. D’ailleurs le Club_HOUSE, place de la Madeleine, monté par le PUC connut la même fin. La gestion de la limonade ne s’apprend pas à l’Université. A ce propos une petite histoire lors d’une visite au Flore avec Jean Cormier, l’ancien patron, Boubal un auvergnat, se sépara d’un de ses loufiats qui avait oublié de taper tous les sandwichs vendus sur la caisse enregistreuse Explication de l’Auvergnat : « On met trois cornichons coupés dans le sens de la longueur dans un sandwich, donc je sais en constatant le niveau de mon bocal si l’on me berne ou non….!  » Belle histoire et leçon de gestion. Il a fait fortune …..

– Depuis une quinzaine d’années tu motives les anciens pour pour qu’ils rendent au SCUF ce que le club leur a apporté. Une nouvelle association « les 1895 » devait voir le jour …

La fréquentation des Anciens est toujours très aléatoire et fluctuante, nous n’avons pas la culture anglo-saxonne, à cet égard l’exemple de Stratford est édifiante et instructive. Ils ont une vie sociale très vivante et des événements sont programmés avec soin, la tradition reste un moteur et 150 Vice-Président répondent et cotisent , ce qui leur donne une bonne force de frappe. Ayant assisté à plusieurs dîners VP, black tie, je fus fortement impressionné, il est vrai que les installations du Club-House favorisent ces réunions, encore faut-il s’en occuper ……! Au S.C.U.F je lançais les VIS, mais ce ne fut pas un succès, nous n’avons pas cette culture anglaise bien que le S.C.U.F soit une communauté spéciale et affective. Pour les « 1895 » c’est le sur-place, tant qu’une équipe avec un meneur qui s’affirme n’émerge pas, ça ne marchera pas. Ce sont les quadras, quinquas …..etc de rassembler et d’animer. Quant à notre génération vieillie, fatiguée et usée, elle a donné, le relai est à prendre …..Qui ???

– Le SCUF tel qu’il est aujourd’hui te satisfait il ? Si tu avais une baguette magique, qu’est ce que tu changerais ou ameliorerais ?

Chaque époque vit son histoire, chacun affronte les difficultés, les hauts et les bas d’une saison chaque président(,e,). doit infirmer sa marque, se constituer une équipe et être fidèle à l’histoire. C’est une position difficile car le S.C.U.F n’est pas un club comme les autres, s’il le devenait, il serait un club moins que les autres et disparaitrait, il aurait perdu sa raison d’être .. Le futur Club-House devrait permettre de relancer et de faciliter la vie scufiste si importante pour tous. A vous de jouer madame la Présidente ……, on sera encore là pour soutenir et rassembler ……

– Peux tu nous sélectionner quelques anecdotes qui nous feront vivre le SCUF à la fois dans le meilleur et le pire ?

Nombreuses furent les aventures, d’autant qu’il y a eu toujours de joyeux drilles et les déplacements étaient des virées de plaisir. Mais j’en retiendrai un, celui d’Homécourt dans l’est. Ce fut une belle leçon d’humilité ….
Nous fûmes reçus à déjeuner dans les corons où les repas d’avant match avaient été préparés par les familles, puis nous nous déshabillâmes dans la mine « à la salle des pendus », lieu où les mineurs font leur toilette après le fond, puis nous jouâmes dans un stade où le public était composé de compagnies de CRS, étrange atmosphère. On nous apprit que les joueurs et mineurs étaient en grève depuis plus d’un mois. Au retour chacun avait un panier repas, et ils nous dirent au revoir à Paris. Quand ils vinrent à Paris , nos installations rustiques, nos douches intermittentes, ce n’était pas le club estudiantin huppé, heureusement un buffet avait été préparé par Mme Martin à Chazelles et le Docteur qui leur fit cadeau d’un maillot de l’équipe de France. Belle leçon d’humanité ….. le coeur avait parlé.

– Un regret que ton fils Julien n’est pas suivi ton parcours sportif ?

Non , pas du tout. Il atrouvé son sport avec l’escrime qu’il pratiqua de nombreuses années tant à Aix qu’à Paris avec des résultats flatteurs. Mais surtout il apprit les hautes valeurs de ce sport, noblesse, respect , intelligence et qui sait les garder et les transmettre. Il joua au SCUF quelques années où il eut le bonheur d’avoir J-P Petitet comme dirigeant entraineur. Avec son cri « Allez les petits noirs » il amena cette équipe 3 à remporter le doublé Champoinnat -Coupe , il a l’estime de tous. Aujourd’hui Julien est affilié à la section golf du S.C.U.F et n’oublie pas les amitiés scufistes .

– Retour en arrière sur la rédaction de ton livre pour les 110ans du SCUF. Un sacré boulot et le sentiment de t’être libéré de la mémoire du club que seul toi avais pris le soin d’enregistrer ?..

C’était une idée qui me trottait dans la tête depuis quelque temps. La fréquentation de Jean Cormier ainsi que la confiance de Pascal Wagner accélérèrent le processus. J’avais déjà des documents et des papiers du Docteur, ce fut ensuite une longue quête tant à l’Equipe, au Midol, à la Bnf, et surtout des témoignages d’anciens internationaux et d’anciens scufistes. Les archives du Club furent très précieuses, j’ai pu mesurer combien l’histoire du S.C.U.F avait influencé le sport français, et ce que je retiens c’est la qualité des dirigeants qui oeuvrèrent toujours pour l’intérêt général et viscéralement attachés à l’idéal scufiste. J’espère que Lazz pourra faire le Tome 2, lui qui a si brillamment repris l’histoire de ce club. Mais j’ai pu constater combien l’estime était grande vis à vis de ce club et combien il fut important pour le sport français, toujours au service des autres. D’ailleurs à Paris cinq installations sportives portent le nom de scufistes : la Halle Carpentier, le Stade Félix Eboué , les piscines G.Herment-Jean Taris-E.G.Drigny et paradoxalement le SCUF n’a ni terrain, ni piscine lui appartenant…… Mais ce fut une constante tout le long de la vie scufiste. Si le S.C.U.F, au passé glorieux, a survécu c’est grâce aux hommes et en particulier aux présidents de l’omnisports, personnalités hors norme, et je pense à Pascal Wagner et à Lionel Busson ils ont consolidé et donnent au club une autre dimension sans trahir les valeurs scufistes, et aux présidents successifs du rugby et aussi aux trésoriers qui ont su maintenir notre indépendance. Tous les grands noms sont passé aux responsabilités.

– Comment espères tu la suite du rugby à XV, de ce que va devenir notre Bouclier de Brennus, des matchs déséquilibrés contre Stratford ?

Là je reste perplexe devant la descente de ce sport chez les jeunes. Le rugby de l’école, comme d’ailleurs le rugby universitaire n’existe plus. Le rugby souffre de mille morts. Le jeu est deveu minimaliste puisqu’en fédérale et régional on entend jouer comme les grands. Le physique dans tout ce qu’il a de plus absurde a pris le pas sur toute connotation technique, créatrice, ludique même. Certains dimanche, j’en arrive à me demander si les gars songent à s’amuser, aujourd’hui il faut gagner à tout prix, on dirait que le plaisir se limite à la seule victoire, ce qui est quand même une façon très régressive d’appréhender le jeu. Puis ce qui fait la tradition est effacée par l’argent, le rugby n’était pas fait pour le professionnalisme, les joueurs pro sont devenus des machines sans grande personnalité et ne reflètent plus l’esprit du club, ils ne sont que de passage, se vendant au plus offrant, et dans les divisions inférieures on les imite dans ce qu’il y a de pire.
Le Bouclier de Brennus est bien défendu et est en cours de négociation actuellement, aussi je serai discret quant à son avenir. Les puissances de l’argent risquent de s’en occuper …..?
Quant à Stratford, c’est une belle rencontre entre les deux clubs qui a connu des hauts et des bas. Le principal danger est de la banaliser et de la prendre comme une agréable partie de campagne. Les défaites, les désastres du S.C.U.F. à Pearcecroft sont préoccupantes pour l’avenir de la Rose Cup. D’autre part les réceptions à Paris doivent être améliorées, et la participation de tous est requise, on a connu des jours meilleurs. Mais on peut encore redresser la barre, en 2020 ce sera les 125 ans du S.C.U.F. et les 115 ans de la rencontre, au S.C.U.F de préparer les réceptions avec soin, originalité et ingéniosité et de redonner de l’éclat à la Rose Cup, mais cela s’organise et se pense longtemps à l’avance avec un responsable désigné. Je rappelle que toutes les dates d’anniversaire firent l’objet de fêtes spéciales et célébrées avec joie des deux côtés de la Manche et elles ont toujours contribué à relancer cette rencontre……

– As tu un mot à ajouter ou une souhaites tu répondres à une question que je ne t’aurai pas posé ?

Je n’ai rien à ajouter, j’ai encore fait une belle virée dans le temps, grâce à ce club on reste de vieux gamins autrefois de grands navigateurs de la nuit toujours prêts à combattre des moulins à vent et à porter les couleurs « Noir et Blanc » à jamais. Nous sommes fous amoureux, fous chantant, fous du stade , fous d’amitié et simplement fous d’exister. Et si nous buvons encore de bons coups, et racontons des histoires de brigands et pensons intensément aux absents, c’est non de la nostalgie mais de la gratitude envers ceux qui ont enchanté mon voyage dans un demi-siècle et plus de bohème scufiste.

Je rappellerai simplement à la Présidente Anne cette constatation du Docteur Martin  » Les scufistes, tous des séducteurs mais tous des caractériels…  » c’est le charme de ce club et en route pour de nouvelles aventures…….