Jean-Baptiste PASSE


  • Né le 14/09/1981
  • Taille / Poids : 1,85 / 83kg
  • Poste joué : Remplaçant
  • Profession : Libraire
  • Situation maritale : 2 très beaux enfants – divorcé

– Quel a été ton parcours avant le SCUF ?

J’ai toujours eu une approche romantique du rugby. C’était le Sud-Ouest, l’accent qui chante, les filles pétillantes, le sport du courage et de la camaraderie. Alors, après avoir grandi dans la France périphérique de l’ovalie, je n’ai pas beaucoup hésité quand mes études pouvaient me mener à Toulouse. J’ai donc débuté à l’aile en universitaire. J’ai vécu ma première année en club à l’IRIS club qui évolue en Honneur à Lille au cours d’une année de césure mémorable en tous points. Là, j’ai découvert la vie en club et la compétition ; le carnaval de Dunkerque et ma première finale en réserve sur le mythique stade du vélodrome de Roubaix.

– Comment ou par qui arrives tu au SCUF en septembre 2006 ?

Diplôme presque en poche, c’est à Paris que je veux faire carrière. A nous deux maintenant ! Je débarque donc Place d’Italie et j’attends bêtement de trouver un boulot avant de signer dans un club près de chez moi – qui se rappelle que le club était du XIIIème arrondissement ? — que je n’ai fréquenté au début que pour les entrainements.

– Tu joues ton premier match avec le SCUF le 29 octobre 2006, lors de la 1ère journée Réserve. C’est une défaite 27-19 à Courbevoie sous le capitanat d’un certain Lionel Busson. Avec un peu moins de dix matchs joués, te souviens-tu de cette saison où la B finit dans le ventre mou au classement ?

J’adorerais… Mais à vrai dire, je n’ai jamais su me rappeler d’un match à l’exception de deux ou trois au scénarii dingues. J’ai en revanche beaucoup plus la mémoire des visages, des discours d’avant match, des émotions.

– 18 février 2007, 14ème journée Honneur, première et dernière apparition avec l’équipe 1. Tu es remplaçant lors de la victoire contre Alfortville 33-07. Tu t’en souviens ?

Evidemment ! Ce sera la seule fois en dix ans ou je porterais la vraie tunique noire et blanche ! Une fierté d’autant que j’avais déjà basculé dans un amour passionnel pour ce club, pour son histoire, pour son esprit mondain, pour ses joueurs. Je vivais mes belles années parisiennes. Elles sont intimement liées au jeu de rugby, à sa philosophie à la fois sérieuse et canaille.

– 2007/08, tu joues le premier match de la saison avec la Réserve et puis plus rien jusqu’aux matchs retours. Tu as été blessé ? Tu finis avec 7 matchs au compteur et le SCUF termine 4ème de poule.

Exactement. Fracture du 5eme métacarpien. C’est un peu honteux mais j’ai fait passer cette vilaine blessure de sortie de boite pour un acte de bravoure au rugby…

– En 2008, tu joues ta première Rose Cup à Stratford. Tu y regoutteras en 2015, avant de l’emporter en 2016 à Paris. Un mot sur cette rencontre ?

La formule est galvaudée mais elle est réelle. Tu deviens vraiment scufiste quand tu joues à Stratford. Ce voyage est performatif. Tu prends conscience que tu es un maillon dans une chaine de joueurs qui ont fait le même voyage que toi, ont joué sur le même terrain, ont chanté les mêmes chansons, ont bu des canons aux mêmes endroits, avaient le même amour du jeu. C’est finalement rare de se sentir pleinement acteur d’une histoire qui te dépasse. Ce match t’enracine dans une magnifique tradition. Et les anglais sont malins, ils ont le goût de ça. Je suis profondément républicain mais faut reconnaitre que ça a de l’allure d’être dirigé par une reine. Alors quand tu y as gouté tu veux recommencer. Y retourner et inscrire le nom de ton club sur le trophée et en plus plier les anglais au bar et embrasser les plus belles filles du pub. Ça se finit nécessairement mal. Mais le lendemain tu mets une cravate et puis tu pleures parce que c’est beau.

– Pour ta 3ème saison au SCUF, l’équipe Réserve est favorite de son championnat. Vous surclassez la poule avec 80 essais marqués. Mais c’est une grosse déception en demi-finale lorsque Yerres s’impose à Max Rousié 03-08. Tu ne participes pas à ce match, mais c’est une finale IdF qui s’envole ainsi que la qualification pour les championnats de France.

C’est un de mes pires souvenirs. On marchait sur l’eau tous les dimanches. Et puis le mardi soir avant la finale, on s’entrainait Porte de Vanves, et là les coachs changent le plan de jeu. On change de compo et de demi d’ouverture… Je ne suis pas retenu. Et on s’effondre bêtement sur le premier match à enjeux. J’ai encore la double amertume personnelle et collective de cette décision.

– La saison suivante, le SCUF évoluant en Fed3, la Réserve quitte le giron régional. Et voilà qu’on te retrouve au poste de troisième ligne aile, quel est l’origine de ce changement ?

Quand j’y pense… ma conversion en 3eme ligne me ferait presque rougir…j’aurais vraiment tout essayé pour jouer davantage. Mais j’ai adoré ce poste. Vraiment. Plus exposé, plus collectif, plus cardio. Le plaisir d’un timing bien senti en touche, la force collective qui se dégage d’une poussée bien coordonnée. L’abattage à produire en défense, les courses de soutien en attaque… Clairement le meilleur poste à mon sens.

– 2010/11, c’est une saison en demi-teinte pour toi avec seulement 5 apparitions, mais tu es là lors de la demi-finale à Vincennes où le SCUF l’emporte contre un favori à la finale (10-11), Hélas, c’est encore Yerres qui vous coiffe au poteau en Finale IdF (10-07). Le SCUF ira en 16ème de finale du championnat de France.

J’avais en tête une saison beaucoup plus complète ?! A Vincennes pour les demis, on sort un très gros match collectif. On enchaîne par une de mes meilleures troisièmes mi-temps. Je savais que je serai privé de finale pour cause de voyage perso mais je change mes billets pour revenir supporter les gars ce fameux dimanche. Là on perd un match qu’on doit gagner 10 fois… Enorme déception de tous. Beaucoup de larmes… Mais on se remobilise pour les France. Là où la guigne s’abat sur moi c’est que je me blesse sur la dernière action du dernier entrainement avant le match. Fracture au pied et grosse entorse. Fin de l’histoire. C’est lors de ces derniers matchs de cette saison magnifique que je fais le livre de photos pour les copains.

– Les 3 saisons suivantes se suivent et se ressemblent. Toujours au SCUF, mais tu apparais épisodiquement sur les feuilles de match. Tes performances d’effeuillage en 3ème mi-temps prennent elles le dessus sur les deux premières ?

Il me faut admettre que j’étais plus souvent à cirer le banc qu’à jouer les premiers rôles. J’aurais pu gagner un concours de découpe artistique sur citron. C’est aussi les saisons de naissance de mon fils puis de ma fille. C’était aussi les années où j’ai progressé dans mon job. Avec des responsabilités, plus de pression, plus de déplacement. Difficile d’être présent sur tous les tableaux. C’est un peu comme avec les nanas… à l’époque j’avais du mal à prioriser…

– En 2015, la Réserve est championne IdF et perd en Finale du championnat de France. Tu ne fais pas parti du groupe mais participe comme il faut à la fête. Un regret sur le plan sportif de ne pas en avoir fait partie ?

Je ne tenais plus la concurrence à l’époque. J’ai fait quelques piges cette année-là. Je m’entrainais toujours avec le plus d’assiduité possible mais il y avait un gros turn-over tous les dimanches. Il me semble d’ailleurs que la couverture du SCUFMAG de l’époque avait titré pour la coupe IDF quelque chose comme « tous champions ! ». Ensuite, l’aventure des gars est magnifique. Ils jouent une finale de championnat de France. Le truc de fou. C’est comme la finale de la coupe du monde de ta vie. Bien sûr, j’ai rêvé cent fois de le jouer ce match. Mais cette frustration devait s’effacer pour un soutien total à l’équipe et au club. Et là c’était proprement magique. Des mecs de quatre coins de l’hexagone traversent la France pour supporter le SCUF, on arrive avec deux bus de supporters dans une ambiance surréaliste… Les adversaires étaient tellement au-dessus de nous qu’ils n’auront au moins pas réussi à gâcher cette belle communion qui s’est en effet poursuivie par quelques excès lors du retour.

En 2016, c’est une saison « rose » puisque tu rejoins l’équipe 3 Vieux Cochons. Et au passage tu participes à la Tournée au Pays Basque…

C’était une fin de cycle. Les copains partaient. Les jeunes s’installaient. Il était temps pour moi d’accepter de rejoindre les vaillants vieux cochons. Super ambiance. Super mecs. Alors certes, on courait moins vite, on plaquait moins fort, mais j’ai découvert la liberté de jouer sans pression. Simplement pour le jeu. C’est bête vu mes états de service mais j’ai découvert sur tard qu’on pouvait ne pas appréhender les compos du jeudi soir et que le rugby pouvait être juste ludique.

– Comment vis-tu le rugby loin des terrains depuis ? Ça ne te démange pas de rechausser les crampons avec les VC ?

C’est un peu comme dans la chanson ; j’ai le cœur serré dès que revient septembre…

– Après quasiment 10 ans passées au club, as-tu gardé des contacts au quotidien ?

J’essaie. Mais je bois moins de bières avec les copains que ce que je voudrais. C’est un peu la vie aussi. J’ai un travail passionnant dans le 6eme. J’ai mes enfants, j’essaie de lire, d’aller au théâtre. Je continue aussi à faire du sport. J’aimais tellement ces rendez-vous du mardi et du jeudi. Même les séances de 30-30. Et puis surtout partager ce casse-croûte après l’entrainement au Canari puis au Père Pouchet. Et même chez Jacques ! Alors c’est forcément différent quand tu ne vois pas les mecs trois fois par semaines.

– On te verra pour l’inauguration du club-house ?

Je ne peux pas manquer l’inauguration de la seule bonne idée d’Hidalgo ! Ce club-house, c’est encore une nouvelle preuve de la ténacité de nos dirigeants. Il en faut de la passion, de l’endurance, de l’engagement pour réussir ce truc. Ça va tellement améliorer la vie du club.

– Un mot à ajouter ?

Merde… je me sens nostalgique alors que je ne le suis pas du tout. Le SCUF est un merveilleux chapitre conclu de ma vie. Avec ses joies, ses peines, ses bobos, ses ivresses. J’en profite : je veux aussi réhabiliter le panache du remplaçant. La place du joueur qui s’enrhume en faisant la touche. Celle de celui qui porte la trousse à pharmacie. Le courage de celui qui s’entraine en février sous la pluie en espérant récupérer du temps de jeu. Si les titulaires réguliers, les forts en gueule, les costauds de nature composent  légitimement l’équipe, et doivent gagner, ce sont aussi eux -nous- avec les bénévoles de l’ombre, les mauvais arbitres et les vieux sur la main courante qui font club et qui donnent sa véritable beauté et humanité à notre sport.