Joe ANDURAN (1882 – 1914)


  • Secrétaire du SCUF rugby de 1908 à 1914
  • Finaliste du championnat de France 1911 – 1913
  • 1 sélection en Equipe de France

Marie Jean-Baptiste Joseph ANDURAN, dit Joe, est né le 24 mai 1882 à Bayonne. Il monte à Paris pour ses études et rejoint le Sporting Club Amateur en 1900. Le café « Le Soufflet » dans le 5ème est alors un lieu de fête et de recrutement des étudiants parisiens. La poussée estudiantine est alors très forte et à l’origine du changement de nom du SCA qui disparait au profit du Sporting Club Universitaire de France le 29 octobre 1901.

Lors de ses premières années, Joe Anduran évolue avec l’équipe 3 du SCUF. En 1903, avec cette formation, il est champion de Paris et devient ensuite champion de France au dépend du SBUC (6 – 3). Avec ses 1m74 pour 75 kilos il évolue essentiellement au talonnage ou en troisième ligne !

En 1905, Joe fait quelques apparitions en équipe première, mais évolue plutôt en Équipe 2. Il n’en demeure pas moins en élément clef du SCUF pour sa gestion du club et notamment de ses spectaculaires réceptions. Dès 1908 il assure la fonction de secrétaire de la section et œuvre avec Charles Brennus et Frantz Reichel à l’expansion du club.

Le 24 février 1906 il est de l’équipe qui se rendra pour la première fois à Stratford-Upon-Avon. Le voyage outre-Manche est une véritable expédition : chemin de fer, bateau, chemin de fer, à l’aller comme au retour ! Le match se déroule devant 2000 spectateurs sur le terrain de Pearcecroft. Le SCUF est battu 27 à 3 et l’expédition est considéré aux uns comme aux autres comme sur-humaine. Ce n’est qu’en 1955 que les deux clubs se retrouveront.

Dans le civil Joe est marchand d’œuvres d’art et cela va lui permettre de participer au premier match de l’équipe de France dans le Tournoi ! « Rendez-vous vendredi à 14 heures à la gare Saint-Lazare, à l’endroit du départ du train pour Dieppe. Messieurs Charles BRENNUS et Cyril RUTHERFORD, les deux dirigeants, seront sur le quai pour vous accueillir. Surtout, soyez à l’heure  ». Nous sommes le soir du réveillon, le 31 décembre 1909. La rencontre que vont disputer le lendemain nos vaillants rugbymen est importante : l’équipe de France s’apprête à faire, en effet, son entrée solennelle dans le Tournoi des Cinq Nations pour la première fois de son histoire. Or, à l’heure fixée, ils ne sont que… quatorze. Les remplaçants et un avant bordelais, titulaire, Helier Tilh, manquent à l’appel ! Ce dernier, consigné à la caserne, n’a pu avertir les responsables. Il n’y a plus une seconde à perdre.

Charles Brennus, alors responsable de l’USFSA, est pâle d’angoisse comme l’écrira un confrère de la ‘’Vie au Grand Air’’. Il s’engouffre dans un taxi et part à la recherche d’un quinzième homme. Il a appris justement par les gazettes que Joe Anduran, un troisième ligne du Sporting Club Universitaire de France , vendeur de tableaux bien connu dans le milieu des Arts, a ouvert dans la matinée une exposition de peinture dans une galerie réputée de la capitale, à proximité de la rue de la Boétie. Il s’y rend donc.

Les dieux sont avec lui : Anduran est là. Très occupé d’ailleurs : il est en passe de vendre un tableau de Corot. Au moment de pénétrer dans la grande salle, Charles Brennus est rejoint par deux autres dirigeants : Isambert et Cartoux. Ils ont eu la même idée. Supplications. Ordre au nom de la « Mère Patrie reconnaissante ». Joe Anduran hésite. L’aventure le tente. Mais que va dire son épouse qui est en train certainement de préparer déjà le repas de fête de fin d’année et qui attend des amis ? Il aura effectivement droit à une belle scène de ménage. Mais sa passion pour le rugby a été la plus forte. Le temps d’enfiler un gros chandail de laine, de rassembler quelques objets de toilette et il se retrouvait quelques minutes avant que le convoi ne s’ébranle, auprès de René MENRATH, l’arrière de couleur de son club, et de ses autres équipiers, HOUBLAIN, BOUDREAUX, THEVENOT, et surtout son compère LAFFITTE, le talonneur de son club et compagnon des nuitées parisiennes, pour ce voyage en terre britannique.

La suite fut moins drôle. Dans un vent glacial, sous la pluie, devant cinq mille spectateurs frigorifiés mais entonnant des chants gallois à donner un… frisson supplémentaire, la France encaissa dix essais, 49-14. Une belle raclée. C’est égal : Joe Anduran pouvait s’enorgueillir d’avoir été international. Il eut même le privilège exceptionnel à l’époque de recevoir la superbe carte rayée de tricolore qui porte le numéro 58

Joe participe par la suite à l’émergence au plus haut niveau du SCUF. En 1911 avec l’équipe première il est champion de Paris. Le 7 avril 1911 il est remplaçant lors de la finale qui oppose le SCUF au SBUC à Bordeaux devant 10000 spectateurs. Les noir et blanc perdent 14-00. En 1912 il est nommé capitaine de l’équipe 2 et entre quelques virées avec ses coéquipiers dans sa ville  de Bayonne il décroche le titre de champion de Paris.

En 1913, Joe tient sa place en équipe 1 et le club fait figure de favori dans la course au titre. En phase finale, le SCUF élimine le Racing Club de France puis le Stade Français. La finale se déroule le 15 avril 1913 à Colombes devant 15000 spectateurs. Le SCUF affronte l’Aviron Bayonnais et Joe Anduran au talonnage ses frères basques !  C’est une nouvelle déculottée pour le club parisien qui perd 31 à 08. Cela sera la dernière finale du SCUF….

Alors que le destin rugbystique l’avait comblé, Joe doit mettre un terme à la pratique de son sport en 1914. La France vient de rentrer en guerre. Il est incorporé au 226ème régiment d’infanterie dans le Pas de Calais. Le 2 octobre 1914 dans la zone Bois Bernard, il reçoit en plein cœur une balle qu’il ne relancera pas. Plaqué une dernière fois par un adversaire inconnu, il aperçut avant de fermer les yeux le décor des Charbonnières du Pas de Calais. Lui ont-elles rappelées le Pays de Galles et son jour de gloire au stade de St Helens à Swansea ?

Il laisse deux enfants Jacqueline 6 ans et Jean 5 mois. Son nom est gravé sur le monument aux morts de Bayonne.